Page:Zola - L'Assommoir.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
L’ASSOMMOIR.

cortèges interminables de messieurs et de dames sur leur trente-et-un, l’air très comme il faut. Puis, quand on les appela, ils faillirent ne pas être mariés, Bibi-la-Grillade ayant disparu. Boche le retrouva en bas, sur la place, fumant une pipe. Aussi, ils étaient encore de jolis cocos dans cette boîte, de se ficher du monde, parce qu’on n’avait pas de gants beurre frais à leur mettre sous le nez ! Et les formalités, la lecture du Code, les questions posées, la signature des pièces, furent expédiées si rondement, qu’ils se regardèrent, se croyant volés d’une bonne moitié de la cérémonie. Gervaise, étourdie, le cœur gonflé, appuyait son mouchoir sur ses lèvres. Maman Coupeau pleurait à chaudes larmes. Tous s’étaient appliqués sur le registre, dessinant leurs noms en grosses lettres boiteuses, sauf le marié qui avait tracé une croix, ne sachant pas écrire. Ils donnèrent chacun quatre sous pour les pauvres. Lorsque le garçon remit à Coupeau le certificat de mariage, celui-ci, le coude poussé par Gervaise, se décida à sortir encore cinq sous.

La trotte était bonne de la mairie à l’église. En chemin, les hommes prirent de la bière, maman Coupeau et Gervaise, du cassis avec de l’eau. Et ils eurent à suivre une longue rue, où le soleil tombait d’aplomb, sans un filet d’ombre. Le bedeau les attendait au milieu de l’église vide ; il les poussa vers une petite chapelle, en leur demandant furieusement si c’était pour se moquer de la religion qu’ils arrivaient en retard. Un prêtre vint à grandes enjambées, l’air maussade, la face pâle de faim, précédé par un clerc en surplis sale qui trottinait. Il dépêcha sa messe, mangeant les phrases latines, se tournant, se baissant, élargissant les bras, en hâte, avec des regards obliques sur les mariés et sur les témoins. Les mariés,