Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/125

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gênait en aucune façon. J’ai approché ma chaise du canapé, & me suis entretenu à voix basse avec Marie. Cette femme m’attirait ; je me sentais pour elle des tendresses, des pitiés de père.

Elle cause en enfant, tantôt par monosyllabes, tantôt avec volubilité, passionnément & sans s’arrêter. Je l’avais bien jugée ; l’intelligence & le cœur sont restés chez elle en bas âge, tandis que le corps grandissait & se souillait. Elle a une naïveté exquise, horrible parfois, lorsque, avec un doux sourire & de grands yeux étonnés, elle laisse échapper de grossières paroles de ses lèvres délicates. Elle ne rougit pas, ignorant la rougeur ; elle ne paraît point avoir conscience d’elle-même & se meurt doucement, ne sachant ni ce qu’elle est, ni ce que sont les autres jeunes filles qui se détournent lorsqu’elle passe.

Peu à peu, elle m’a conté sa vie. J’ai pu, phrase à phrase, reconstruire cette histoire lamentable. Un récit m’aurait déplu, car