Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je ne suis bon à rien, telle est la vérité que j’ai retirée de mes démarches. Je ne suis bon à rien, si ce n’est à souffrir, à sangloter, à pleurer ma jeunesse & mon cœur. Ainsi, me voilà seul au monde, repoussé & misérable, n’osant mendier & me sentant plus affamé que le pauvre qui tend la main. Je suis venu, bercé en un songe de gloire & de fortune ; je m’éveille en pleine boue, en pleine détresse.

Heureusement, le ciel est doux & bon. Il y a dans la misère une sorte d’ivresse lourde, une somnolence voluptueuse qui endort la conscience, la chair & l’esprit. Je ne sens pas nettement mon degré d’indigence & d’infamie ; je souffre peu, je sommeille dans ma faim, je me vautre dans mon oisiveté.

Voici quelle est ma vie.

Le matin, je me lève tard. Les matinées sont brumeuses, froides, blafardes ; le jour entre, gris & triste, par la fenêtre sans rideaux ; il se traîne mélancoliquement sur