Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/162

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mes baisers la réjouissent ou la fatiguent. Elle est plus pâle, plus grave. Les lèvres serrées, les yeux agrandis, la face muette, elle me rend mes caresses avec une sorte de force contenue. Par instants, elle paraît lasse, comme si elle était découragée de chercher quelque chose qu’elle ne trouve point ; mais bientôt elle semble se remettre à la besogne & chercher de nouveau, me regardant en face, ses mains à mes épaules. D’ailleurs, elle a toujours le même corps brisé, la même âme obscure ; elle dort toujours les yeux ouverts, & s’éveille en sursaut, lorsque je pose mes lèvres sur les siennes. Au premier embrassement, elle a paru étonnée ; puis, pendant deux semaines, elle a vécu une vie plus jeune, plus active ; depuis quelques jours, elle est retombée dans son éternel sommeil.

Que m’importe ? Je ne me sens pas encore le besoin que Laurence m’aime. J’en suis à cet égoïsme suprême qui, en amour, se contente de ses propres tendresses.