Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/168

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froides ; je m’adressais au vin, blanc ou rouge. Je ne buvais pas par besoin d’ivresse, je buvais pour boire, parce qu’il me semblait que j’étais là pour vider mon verre. Je me suis acquitté de cette besogne avec conscience, & j’ai éprouvé de la joie à sentir mes membres s’alanguir peu à peu & ma pensée se troubler.

Au bout d’une demi-heure, les flammes des bougies ont pâli & se sont étalées, la chambre est devenue toute rouge, d’un rouge effacé & vacillant. Ma raison qui chancelait s’est raffermie d’une façon étrange, elle a eu une effrayante lucidité. J’étais ivre, je devais avoir sur la face le masque hébété, le sourire idiot des ivrognes ; mais, en moi, tout au fond de mon intelligence, je me sentais calme & sensé, je raisonnais en toute liberté. C’était là une ivresse terrible ; je souffrais de l’affaissement de mon corps, qui se mourait d’accablement, & de la vigueur de mon âme, qui voyait & jugeait.