Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/188

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avait retrouvé ses quinze ans au sein de cette campagne qui n’avait pas quinze jours. La jeune verdure rafraîchissait son sang, les jeunes rayons échauffaient son cœur, rougissaient ses joues. Tout son être s’éveillait dans cet éveil de la terre ; comme la terre, elle redevenait vierge, la saison étant douce.

Laurence courait follement, souple & forte, emportée par la vie nouvelle qui chantait en son être. Elle se couchait, se levait avec vivacité, éclatait de rire, se baissait pour cueillir une fleur, puis fuyait entre les arbres, puis revenait, ardente, toute rose. Sa face entière s’était animée, les traits détendus, assouplis, avaient une bonne expression de joie. Le rire était franc, la voix sonore, le geste caressant. Assis contre un arbre, je la suivais des yeux, blanche dans l’herbe, le chapeau tombé sur les épaules ; je prenais plaisir à cette belle robe propre, légère, qu’elle portait chastement & qui lui donnait un air de pensionnaire turbulente.