Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/195

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pillotes. Laurence a ri pendant une heure de cette excellente figure rusée & naïve.

J’ignore ce que nous avons fait jusqu’au soir. La journée a été une journée de soleil, d’éblouissement. Je ne sais quels sentiers nous avons pris, quelles ombres nous avons choisies. Il y a, lorsque je songe à ces heures d’extase, une splendeur devant mes yeux. Le souvenir des détails est rebelle, mon être entier a la sensation d’une grande félicité, d’une grande lumière. Il me semble vaguement que nous nous sommes oubliés, Laurence & moi, au fond d’un trou, dans la mousse, ne voyant qu’un vaste morceau de ciel ; nous sommes restés, la main serrant la main, parlant peu, ivres ; nos yeux, tournés en haut, se sont emplis de clarté jusqu’à l’aveuglement, nous n’avons plus rien vu que nos cœurs & nos pensées. Mais tout ceci est peut-être un rêve ; la mémoire m’échappe, je n’ai conscience que d’avoir été