Page:Zola - Le Vœu d’une morte, 1890.djvu/58

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sionné, un cœur d’autant plus ardent à se donner qu’on le repoussait.

Daniel avait donc grandi dans l’adoration de la bonne fée qui lui faisait une existence si douce. L’ombre où elle se tenait la lui rendait encore plus sainte. Il connaissait son visage pour l’avoir entrevu deux ou trois fois, et il en parlait comme d’une chose merveilleuse et sacrée.

Un jour, comme il venait de quitter le lycée, on lui dit que madame de Rionne le mandait à Paris, près d’elle. Il faillit perdre la tête. Il allait pouvoir la contempler, la remercier, l’aimer à son aise. Le rêve extravagant de sa jeunesse se réalisait : la bonne fée, la sainte, la Providence l’admettait dans le ciel où elle vivait. Il partit en toute hâte.

Il arriva, et il trouva madame de Rionne dans son lit, mourante. Pendant huit jours, chaque soir, il descendit de la chambre qu’il occupait dans l’hôtel, il vint la regarder de loin, et il pleura. Il attendit ainsi le terrible dénouement,