Page:Zola - Lettre à la France, 1898.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

celui d’agir puissamment sur l’opinion, de l’éclairer, de la ramener, de la sauver de l’erreur où d’aveugles passions la poussent. Et il n’est pas de plus utile, de plus sainte besogne.

Ah oui ; de toute ma force, je leur parlerai, aux petits, aux humbles, à ceux qu’on empoisonne et qu’on fait délirer ! Je ne me donne pas d’autre mission, je leur crierai où est vraiment l’âme de la patrie, son énergie invincible et son triomphe certain.

Voyez où en sont les choses. Un nouveau pas vient d’être fait, le commandant Esterhazy est déféré à un conseil de guerre. Comme je l’ai dit dès le premier jour, la vérité est en marche, rien ne l’arrêtera plus. Malgré les mauvais vouloirs, chaque pas en avant sera fait, mathématiquement, à son heure. La vérité a en elle une puissance qui emporte tous les obstacles. Et, lorsqu’on lui barre le chemin, qu’on réussit à l’enfermer plus ou moins longtemps sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une violence telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. Essayer, cette fois, de la murer sous des mensonges ou dans un huis clos, et vous verrez bien si vous ne préparez pas, pour plus tard, le plus retentissant des désastres.

Mais, à mesure que la vérité avance, les mensonges s’entassent, pour nier qu’elle marche. Rien de plus significatif. Lorsque le général de Pellieux, chargé de l’enquête préalable, déposa son rapport, concluant à la culpabilité possible du commandant Esterhazy, la presse immonde inventa que, sur la volonté seule de ce