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LES ROUGON-MACQUART


— Non, non, à Fontan !… C’est la fête de Fontan, à Fontan ! à Fontan !

Alors, on trinqua une troisième fois, on acclama Fontan. Le prince, qui avait regardé la jeune femme manger le comique des yeux, salua celui-ci.

— Monsieur Fontan, dit-il avec sa haute politesse, je bois à vos succès.

Cependant, la redingote de Son Altesse essuyait, derrière elle, le marbre de la toilette. C’était comme un fond d’alcôve, comme une étroite chambre de bain, avec la vapeur de la cuvette et des éponges, le violent parfum des essences, mêlé à la pointe d’ivresse aigrelette du vin de champagne. Le prince et le comte Muffat, entre lesquels Nana se trouvait prise, devaient lever les mains, pour ne pas lui frôler les hanches ou la gorge, au moindre geste. Et, sans une goutte de sueur, madame Jules attendait de son air raide, tandis que Satin, étonnée dans son vice de voir un prince et des messieurs en habit se mettre avec des déguisés après une femme nue, songeait tout bas que les gens chic n’étaient déjà pas si propres.

Mais, dans le couloir, le tintement de la sonnette du père Barillot approchait. Quand il parut à la porte de la loge, il resta saisi, en apercevant les trois acteurs encore dans leurs costumes du second acte.

— Oh ! messieurs, messieurs, bégaya-t-il, dépêchez-vous… On vient de sonner au foyer du public.

— Bah ! dit tranquillement Bordenave, le public attendra.

Toutefois, après de nouveaux saluts, comme les bouteilles étaient vides, les comédiens montèrent s’habiller. Bosc, ayant trempé sa barbe de champagne, venait de l’ôter, et sous cette barbe vénérable l’ivro-