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NANA

Muffat était le plus ardent, le plus tourmenté par des sensations nouvelles de désir, de peur et de colère, qui se battaient dans son être bouleversé. Lui, avait une promesse formelle, Nana l’attendait. Pourquoi donc était-elle partie deux jours plus tôt ? Il résolut de se rendre à la Mignotte, le soir même, après le dîner.

Le soir, comme le comte sortait du parc, Georges s’enfuit derrière lui. Il le laissa suivre la route de Gumières, traversa la Choue, tomba chez Nana, essoufflé, enragé, avec des larmes plein les yeux. Ah ! il avait bien compris, ce vieux qui était en route venait pour un rendez-vous. Nana, stupéfaite de cette scène de jalousie, toute remuée de voir comment tournaient les choses, le prit dans ses bras, le consola du mieux qu’elle put. Mais non, il se trompait, elle n’attendait personne ; si le monsieur venait, ce n’était pas sa faute. Ce Zizi, quelle grosse bête, de se causer tant de bile pour rien ! Sur la tête de son enfant, elle n’aimait que son Georges. Et elle le baisait, et elle essuyait ses larmes.

— Écoute, tu vas voir que tout est pour toi, reprit-elle, quand il fut plus calme. Steiner est arrivé, il est là-haut… Celui-là, mon chéri, tu sais que je ne puis pas le mettre à la porte.

— Oui, je sais, je ne parle pas de celui-là, murmura le petit.

— Eh bien ! je l’ai collé dans la chambre du fond, en lui racontant que je suis malade. Il défait sa malle… Puisque personne ne t’a aperçu, monte vite te cacher dans ma chambre, et attends-moi.

Georges lui sauta au cou. C’était donc vrai, elle l’aimait un peu ! Alors, comme hier ? ils éteindraient la lampe, ils resteraient dans le noir jusqu’au jour. Puis, à un coup de sonnette, il fila légèrement. En