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NANA

bonne ! Pas seulement un signe… Vrai, ils sont polis !

Et elle fit une scène affreuse à Steiner, qui trouvait très correcte l’attitude de ces messieurs. Alors, elles ne méritaient pas même un coup de chapeau ? le premier goujat venu pouvait les insulter ? Merci, il était propre, lui aussi ; c’était complet. On devait toujours saluer une femme.

— Qui est-ce, la grande ? demanda Lucy, à toute volée, dans le bruit des roues.

— C’est la comtesse Muffat, répondit Steiner.

— Tiens ! je m’en doutais, dit Nana. Eh bien ! mon cher, elle a beau être comtesse, c’est une pas grand’chose… Oui, oui, une pas grand’chose… Vous savez, j’ai l’œil, moi. Maintenant, je la connais comme si je l’avais faite, votre comtesse… Voulez-vous parier qu’elle couche avec cette vipère de Fauchery ?… Je vous dis qu’elle y couche ! On sent bien ça, entre femmes.

Steiner haussa les épaules. Depuis la veille, sa mauvaise humeur grandissait ; il avait reçu des lettres qui l’obligeaient à partir le lendemain matin ; puis, ce n’était pas drôle, de venir à la campagne pour dormir sur le divan du salon.

— Et ce pauvre bébé ! reprit Nana subitement attendrie, en s’apercevant de la pâleur de Georges, qui était resté raide, la respiration coupée.

— Croyez-vous que maman m’ait reconnu ? bégaya-t-il enfin.

— Oh ! ça, pour sûr. Elle a crié… Aussi, c’est ma faute. Il ne voulait pas en être. Je l’ai forcé… Écoute, Zizi, veux-tu que j’écrive à ta maman ? Elle a l’air bien respectable. Je lui dirai que je ne t’avais jamais vu, que c’est Steiner qui t’a amené aujourd’hui pour la première fois.

— Non, non, n’écris pas, dit Georges très inquiet.