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NANA

On se hâtait dans les couloirs. Le rideau était levé qu’on rentrait par bandes, au milieu de la mauvaise humeur des spectateurs déjà assis. Chacun reprenait sa place, le visage animé et de nouveau attentif. Le premier regard de la Faloise fut pour Gaga ; mais il demeura étonné, en voyant près d’elle le grand blond, qui, tout à l’heure, était dans l’avant-scène de Lucy.

— Quel est donc le nom de ce monsieur ? demanda-t-il.

Fauchery ne le voyait pas.

— Ah ! oui, Labordette, finit-il par dire, avec le même geste d’insouciance.

Le décor du second acte fut une surprise. On était dans un bastringue de barrière, à la Boule-Noire, en plein mardi-gras ; des chienlits chantaient une ronde, qu’ils accompagnaient au refrain en tapant des talons. Cette échappée canaille, à laquelle on ne s’attendait point, égaya tellement, qu’on bissa la ronde. Et c’était là que la bande des dieux, égarée par Iris, qui se vantait faussement de connaître la Terre, venait procéder à son enquête. Ils s’étaient déguisés pour garder l’incognito. Jupiter entra en Roi Dagobert, avec sa culotte à l’envers et une vaste couronne de fer-blanc. Phébus parut en Postillon de Lonjumeau et Minerve en Nourrice normande. De grands éclats de gaieté accueillirent Mars, qui portait un costume extravagant d’Amiral suisse. Mais les rires devinrent scandaleux, lorsqu’on vit Neptune vêtu d’une blouse, coiffé d’une haute casquette ballonnée, des accroche-cœurs collés aux tempes, traînant ses pantoufles et disant d’une voix grasse : « De quoi ! quand on est bel homme, faut bien se laisser aimer ! » Il y eut quelques oh ! oh ! tandis que les dames haussaient un peu leurs éventails. Lucy, dans son