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LES ROUGON-MACQUART

sortait des complications les plus imprévues ; c’était machiné comme un théâtre, réglé comme une grande administration ; et cela fonctionnait avec une précision telle, que, pendant les premiers mois, il n’y eut pas de heurts ni de détraquements. Seulement, madame donnait trop de mal à Zoé, par des imprudences, des coups de tête, des bravades folles. Aussi la femme de chambre se relâchait-elle peu à peu, ayant remarqué d’ailleurs qu’elle tirait de plus gros profits des heures de gâchis, quand madame avait fait une bêtise qu’il fallait réparer. Alors, les cadeaux pleuvaient, elle pêchait des louis dans l’eau trouble.

Un matin, comme Muffat n’était pas encore sorti de la chambre, Zoé introduisit un monsieur tout tremblant dans le cabinet de toilette, où Nana changeait de linge.

— Tiens ! Zizi ! dit la jeune femme stupéfaite.

C’était Georges, en effet. Mais, en la voyant en chemise, avec ses cheveux d’or sur ses épaules nues, il s’était jeté à son cou, l’avait prise et la baisait partout. Elle se débattait, effrayée, étouffant sa voix, balbutiant :

— Finis donc, il est là ! C’est stupide… Et vous, Zoé, êtes-vous folle ? Emmenez-le ! Gardez-le en bas, je vais tâcher de descendre.

Zoé dut le pousser devant elle. En bas, dans la salle à manger, lorsque Nana put les rejoindre, elle les gronda tous les deux. Zoé pinçait les lèvres ; et elle se retira, l’air vexé, en disant qu’elle avait pensé faire plaisir à madame. Georges regardait Nana avec un tel bonheur de la revoir que ses beaux yeux s’emplissaient de larmes. Maintenant, les mauvais jours étaient passés, sa mère le croyait raisonnable et lui avait permis de quitter les Fondettes ; aussi, en