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NANA

finit par s’accoutumer un peu. Nana rayonnait. C’était un dernier emménagement en plein gâchis de la vie galante, une crémaillère pendue insolemment dans un hôtel qui crevait d’hommes et de meubles.

Une après-midi que les fils Hugon se trouvaient là, le comte Muffat vint en dehors des heures réglées. Mais Zoé lui ayant répondu que madame était avec des amis, il se retira sans vouloir entrer, affectant une discrétion de galant homme. Lorsqu’il reparut le soir, Nana l’accueillit avec la froide colère d’une femme outragée.

— Monsieur, dit-elle, je ne vous ai donné aucune raison de m’insulter… Entendez-vous ! quand je serai chez moi, je vous prie d’entrer comme tout le monde.

Le comte restait béant.

— Mais, ma chère… tâcha-t-il d’expliquer.

— Parce que j’avais des visites peut-être ! Oui, il y avait des hommes. Que croyez-vous donc que je fasse avec ces hommes ?… On affiche une femme en prenant de ces airs d’amant discret, et je ne veux pas être affichée, moi !

Il obtint difficilement son pardon. Au fond, il était ravi. C’était par des scènes pareilles qu’elle le tenait souple et convaincu. Depuis longtemps, elle lui avait imposé Georges, un gamin qui l’amusait, disait-elle. Elle le fit dîner avec Philippe, et le comte se montra très aimable ; au sortir de table, il prit le jeune homme à part, il lui demanda des nouvelles de sa mère. Dès lors, les fils Hugon, Vandeuvres et Muffat furent ouvertement de la maison, où ils se serraient la main en intimes. C’était plus commode. Seul Muffat mettait encore de la discrétion à venir trop souvent, gardant le ton de cérémonie d’un étranger en visite. La nuit, quand Nana, assise à