Page:Zola - Nana.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
380
LES ROUGON-MACQUART

ches et des myosotis bleus, qu’ils disparaissaient jusqu’aux épaules.

— Alors, disait-elle, comme il m’assommait, je lui ai montré la porte… Et voilà deux jours qu’il boude.

Elle parlait de Muffat, seulement elle n’avouait pas aux jeunes gens la vraie cause de cette première querelle. Un soir, il avait trouvé dans sa chambre un chapeau d’homme, une toquade bête, un passant ramené par ennui.

— Vous ne savez pas comme il est drôle, continua-t-elle, s’amusant des détails qu’elle donnait. Au fond, c’est un cagot fini… Ainsi, il dit sa prière tous les soirs. Parfaitement. Il croit que je ne m’aperçois de rien, parce que je me couche la première, ne voulant pas le gêner ; mais je le guigne de l’œil, il bredouille, il fait son signe de croix en se tournant pour m’enjamber et aller se mettre au fond…

— Tiens ! c’est malin, murmura Philippe. Avant et après, alors ?

Elle eut un beau rire.

— Oui, c’est ça, avant et après. Quand je m’endors, je l’entends de nouveau qui bredouille… Mais ce qui devient embêtant, c’est que nous ne pouvons plus nous disputer, sans qu’il retombe dans les curés. Moi, j’ai toujours eu de la religion. Sans doute, blaguez si vous voulez, ça ne m’empêchera pas de croire ce que je crois… Seulement, il est trop raseur, il sanglote, il parle de ses remords. Ainsi, avant-hier, après notre attrapage, il a eu une vraie crise, je n’étais pas rassurée du tout…

Mais elle s’interrompit pour dire :

— Regardez donc, voilà les Mignon qui arrivent. Tiens ! ils ont amené les enfants… Sont-ils fagotés, ces petits !

Les Mignon étaient dans un landau aux couleurs