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LES ROUGON-MACQUART

de voir les gens se mettre contre vous, parce qu’ils sont les plus forts… Cependant, quand on n’a rien à se reprocher, quand on a sa conscience pour soi… Eh bien ! non, eh bien ! non…

Une révolte montait dans sa colère. Elle se releva, elle essuya ses larmes, marcha avec agitation.

— Eh bien ! non, ils diront ce qu’ils voudront, ce n’est pas ma faute ! Est-ce que je suis méchante, moi ? Je donne tout ce que j’ai, je n’écraserais pas une mouche… Ce sont eux, oui, ce sont eux !… Jamais je n’ai voulu leur être désagréable. Et ils étaient pendus après mes jupes, et aujourd’hui les voilà qui claquent, qui mendient, qui posent tous pour le désespoir…

Puis, s’arrêtant devant Labordette, lui donnant des tapes sur les épaules :

— Voyons, tu étais là, dis la vérité… Est-ce moi qui les poussais ? n’étaient-ils pas toujours une douzaine à se battre pour inventer la plus grosse saleté ? Ils me dégoûtaient, moi ! Je me cramponnais pour ne pas les suivre, j’avais peur… Tiens ! un seul exemple, ils voulaient tous m’épouser. Hein ? une idée propre ! Oui, mon cher, j’aurais été vingt fois comtesse ou baronne, si j’avais consenti. Eh bien ! j’ai refusé, parce que j’étais raisonnable… Ah ! je leur en ai évité, des ordures et des crimes !… Ils auraient volé, assassiné, tué père et mère. Je n’avais qu’un mot à dire, et je ne l’ai pas dit… Aujourd’hui, tu vois ma récompense… C’est comme Daguenet que j’ai marié, celui-là ; un meurt-de-faim dont j’ai fait la position, après l’avoir gardé gratis, pendant des semaines. Hier, je le rencontre, il tourne la tête. Eh ! va donc, cochon ! Je suis moins sale que toi !

Elle s’était remise à marcher, elle appliqua un violent coup de poing sur un guéridon.