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NANA

— Monsieur Venot sait bien que je crois ce qu’il faut croire.

C’était un acte de foi religieuse. Léonide elle-même parut satisfaite. Dans le fond de la pièce, les jeunes gens ne riaient plus. Le salon était collet-monté, ils ne s’y amusaient guère. Un souffle froid avait passé, on entendait au milieu du silence la voix nasillarde de Steiner, que la discrétion du député finissait par mettre hors de lui. Un instant, la comtesse Sabine regarda le feu ; puis, elle renoua la conversation.

— J’ai vu le roi de Prusse, l’année dernière, à Bade. Il est encore plein de vigueur pour son âge.

— Le comte de Bismarck l’accompagnera, dit madame Du Joncquoy. Connaissez-vous le comte ? J’ai déjeuné avec lui chez mon frère, oh ! il y a longtemps, lorsqu’il représentait la Prusse à Paris… Voilà un homme dont je ne comprends guère les derniers succès.

— Pourquoi donc ? demanda madame Chantereau.

— Mon Dieu ! comment vous dire… Il ne me plaît pas. Il a l’air brutal et mal élevé. Puis, moi, je le trouve stupide.

Tout le monde alors parla du comte de Bismarck. Les opinions furent très partagées. Vandeuvres le connaissait et assurait qu’il était un beau buveur et un beau joueur. Mais, au fort de la discussion, la porte s’ouvrit, Hector de la Faloise parut. Fauchery, qui le suivait, s’approcha de la comtesse, et s’inclinant :

— Madame, je me suis souvenu de votre gracieuse invitation…

Elle eut un sourire, un mot aimable. Le journaliste, après avoir salué le comte, resta un moment dépaysé au milieu du salon, où il ne reconnaissait que Steiner. Vandeuvres, s’étant tourné, vint lui