Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/133

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quelque hameau désolé dont les murs croulants sont encore pleins d’épouvante. Waterloo n’était qu’une ferme, Magenta comptait à peine cinquante maisons. Un vent affreux a soufflé sur ces infiniment petits, et leurs syllabes, la veille innocentes, ont pris une telle odeur de sang et de poudre, qu’à jamais l’humanité frissonnera, en les sentant sur ses lèvres.

Pensif, je regardais une carte du théâtre de la guerre. Je suivais les bords du Rhin, j’interrogeais les plaines et les montagnes. Le petit village était-il à gauche, était-il à droite du fleuve ? Fallait-il le chercher dans les environs des places fortes, ou plus loin, dans quelque solitude large ?

Et j’essayais alors, en fermant les yeux, de m’imaginer cette paix, ce rideau de peupliers tiré devant les maisons blanches, ce bout de prairie que rase le vol des hirondelles, ces chansons des lavandières, cette terre vierge que la guerre va violer, et dont les clairons souffleront brutalement la souillure aux quatre coins de l’horizon.

Où est-il donc, le petit village[1] ?

  1. Le petit village était en Alsace. Il s’appelait Wœrth.