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SOUVENIRS


I


Oh ! l’éternelle pluie, l’ennuyeuse pluie, la pluie grise qui met un crêpe au ciel de mai et de juin ! On va à la fenêtre, on soulève un coin de rideau. Le soleil est noyé. Entre deux ondées, il surnage, blafard, verdi, comme un corps d’astre qui s’est suicidé de désespoir, et que quelque marinier céleste ramène d’un coup de croc.

Te rappelles-tu, Ninon, la bise aigre du printemps, quand il a plu ? On a quitté Paris avec le printemps des poëtes, le printemps rêvé dans le cœur, une saison tiède, des nappes de fleurs, des crépuscules alanguis. On arrive à la nuit tombante. Le ciel est mort, pas un brin de braise n’al-