Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/144

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ces villes amoureuses, les processions font les affaires des amants. Tout le long du cortège, les filles montrent leurs robes neuves. La robe neuve est de rigueur. Il n’est pas si pauvre demoiselle qui, ces jours-là, n’étrenne quelque indienne. Et le soir, les églises sont noires, bien des mains se rencontrent.

J’appartenais à une société musicale qui était de toutes les solennités. J’ai de gros péchés sur la conscience. Je m’accuse d’avoir, à cette époque, donné l’aubade à plus d’un fonctionnaire revenant de Paris avec le ruban rouge. Je m’accuse d’avoir promené le bon Dieu officiel, les Saints qui font pleuvoir, les saintes Vierges qui guérissent du choléra. J’ai même aidé au déménagement d’un couvent de nonnes cloîtrées. Les pauvres filles, enveloppées dans de larges toiles grises, pour qu’on ne pût rien voir de leur visage ni de leurs membres, trébuchaient, se soutenaient, comme des fantômes de trépassées surpris par l’aube. Et des petites mains blanches, des mains d’enfant, passaient, au bord des toiles grises.

Hélas ! oui, j’ai mangé les collations des sacristies. On ne nous payait pas, on nous offrait quelques gâteaux. Je me rappelle que, le jour des recluses, arrivés au nouveau couvent, nous fûmes