Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/174

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Il s’échappe de chaque arbuste des massifs, de chaque fente des dalles, une respiration régulière et douce comme celle d’un enfant, qui se traîne au ras du sol, avec toute la paix du dernier sommeil.

Des hivers nouveaux ont passé sur le marbre de Musset. Je l’ai retrouvé plus pâle, plus attendri. Les dernières pluies lui ont mis une robe neuve. Un rayon, tombant d’un arbre voisin, éclairait d’une clarté vivante le profil fin et nerveux du poëte. Ce médaillon, avec son éternel sourire, a une grâce qui attriste.

D’où vient donc l’étrange puissance de Musset sur ma génération ? Il est peu de jeunes hommes qui, après l’avoir lu, n’ait gardé au cœur une douceur éternelle. Et pourtant Musset ne nous a appris ni à vivre ni à mourir ; il est tombé à chaque pas ; il n’a pu, dans son agonie, que se relever sur les genoux, pour pleurer comme un enfant. N’importe, nous l’aimons ; nous l’aimons d’amour, ainsi qu’une maîtresse qui nous féconderait le cœur en le meurtrissant.

C’est qu’il a jeté le cri de désespérance du siècle ; c’est qu’il a été le plus jeune et le plus saignant de nous.

Le saule que des mains pieuses ont planté de-