Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/194

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mène au milieu des badauds, tente les dames en chapeau et en robe de soie, auxquelles elle offre de dire la bonne aventure. Je l’ai vue opérer. Elle a pris la main d’une jeune femme, la gardant dans la sienne, d’une façon câline, si bien que la main a fini par s’abandonner à elle. Alors, elle a fait entendre qu’il fallait mettre une pièce de monnaie dans la main ; une pièce de dix sous n’a pas suffi, elle en a voulu deux, et même elle parlait de cinq francs. Au bout de quelques secondes, après avoir promis une longue vie, des enfants, beaucoup de bonheur, elle a pris les deux pièces de dix sous, s’en est servie pour faire des signes de croix sur le bord du chapeau de la jeune femme, et au mot : Amen, les a fait disparaître dans sa poche, une poche immense, où j’ai entrevu des poignées de monnaie blanche.

Il est vrai qu’elle vend un talisman. Elle casse, entre les dents, un petit morceau d’une matière rougeâtre, qui ressemble à de l’écorce d’orange séchée ; elle noue ce morceau dans le coin du mouchoir de la personne à laquelle elle vient de dire la bonne aventure ; puis, elle lui recommande d’ajouter au talisman du pain, du sel et du sucre. Cela doit empêcher toutes les maladies et conjurer le mauvais esprit.