Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/216

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— Et les deux Beaucerons, tu sais, est-ce qu’ils vont m’oublier ?

Mais un soir, au crépuscule, un soldat vint frapper à la porte. Il était seul. C’était le petit.

— Le camarade est mort, dit-il en entrant.

Ma grand’mère apporta la bouteille.

— Oui, dit-il, je boirai tout seul.

Et quand il se vit là, attablé, levant son verre, et qu’il chercha le verre du camarade pour trinquer, il poussa un gros soupir, en murmurant :

— C’est moi qu’il a chargé d’aller consoler sa vieille ; j’aimerais mieux être resté là-bas à sa place.

_____


Plus tard, j’ai eu Chauvin pour camarade, dans une administration. Nous étions petits employés tous deux, et nos bureaux se touchaient au fond d’une pièce noire, trou excellent pour ne rien faire, en attendant l’heure de la sortie.

Chauvin avait été sergent, et il revenait de Solférino, avec des fièvres qu’il avait prises dans les rizières du Piémont. Il sacrait contre ses douleurs, mais il se consolait en les mettant sur le compte des Autrichiens. C’était ces gueux-là qui l’avaient arrangé de la sorte.