Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment, que de sages paroles ! Il m’avait donné sa science et sa bonté, toute son intelligence et tout son cœur.

Je fus un instant tenté de lui crier :

— Levez-vous, mon oncle Lazare ! allons faire ensemble un bout de promenade, dans cette allée que vous aimez, au bord de la Durance. L’air frais et le jeune soleil vous réjouiront. Vous verrez au retour quel vaillant appétit !

Et Babet qui allait descendre à la rivière, et que je ne pourrais voir, vêtue de ses jupes claires du matin ! Mon oncle serait là, il me faudrait baisser les yeux. Il devait faire si bon sous les saules, couché à plat ventre, dans l’herbe fine ! Je sentis une langueur glisser en moi, et, lentement, à petits pas, retenant mon souffle, je gagnais la porte. Je descendis l’escalier, je me mis à courir comme un fou dans l’air tiède de la joyeuse matinée de mai.

Le ciel était tout blanc à l’horizon, avec des teintes bleues et roses d’une délicatesse exquise. Le soleil pâle semblait une grande lampe d’argent, dont les rayons pleuvaient dans la Durance en une averse de clartés. Et la rivière, large et molle, s’étendant avec paresse sur le sable rouge, allait d’un bout à l’autre de la vallée, pareille à la cou-