Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les soirs, elle venait à la cure, et j’allai m’embusquer derrière une haie. Je n’avais plus mes timidités du matin ; je trouvais tout naturel de l’attendre là, puisqu’elle m’aimait et que je devais lui annoncer mon départ.

Quand je vis ses jupes dans la nuit limpide, je m’avançai sans bruit. Puis, à voix basse :

— Babet, murmurai-je, Babet, je suis ici.

Elle ne me reconnut pas d’abord, elle eut un mouvement de terreur. Quand elle m’eut reconnu, elle parut plus effrayée encore, ce qui m’étonna profondément.

— C’est vous, monsieur Jean, me dit-elle. Que faites-vous là ? que voulez-vous ?

J’étais près d’elle, je lui pris la main.

— Vous m’aimez bien, n’est-ce pas ?

— Moi ! qui vous a dit cela ?

— Mon oncle Lazare.

Elle demeura atterrée. Sa main se mit à trembler dans la mienne. Comme elle allait se sauver, je pris son autre main. Nous étions face à face, dans une sorte de creux que formait la haie, et je sentais le souffle haletant de Babet qui courait tout chaud sur mon visage. La fraîcheur, le silence frissonnant de la nuit, traînaient lentement autour de dans.