Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/28

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gauche, les taillis restent vierges, creusés de rares sentiers, noirs d’ombre, où l’on avance, les mains tendues, écartant les herbes. Et les troncs abattus font des impasses de ces bouts de chemins, tandis que les clairières rétrécies ressemblent à des puits ouverts sur le bleu du ciel. La mousse pend des branches, les douces-amères tendent des rideaux sous les futaies ; des pullulements d’insectes, des bourdonnements d’oiseaux qu’on ne voit pas, donnent une étrange vie à cette énormité de feuillages. J’ai eu souvent de petits frissons de peur, en allant rendre visite à la comtesse ; les taillis me soufflaient sur la nuque des haleines inquiétantes.

Mais il y a surtout un coin délicieux et troublant, dans le parc : c’est à gauche du Château, au bout d’un parterre, où il ne pousse plus que des coquelicots aussi grands que moi. Sous un bouquet d’arbres, une grotte se creuse, s’enfonçant au milieu d’une draperie de lierre, dont les bouts traînent jusque dans l’herbe. La grotte, envahie, obstruée, n’est plus qu’un trou noir, au fond duquel on aperçoit la blancheur d’un Amour de plâtre, souriant, un doigt sur la bouche. Le pauvre Amour est manchot, et il a, sur l’œil droit, une tache de mousse qui le rend borgne. Il semble