Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/290

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Je regardai l’enfant que la mère m’avait fait oublier. Il était tout rose. Babet disait avec conviction qu’il me ressemblait ; la sage-femme trouvait qu’il avait les yeux de sa mère ; moi je ne savais pas, j’étais ému jusqu’aux larmes, j’embrassai le cher petit comme du pain, croyant encore embrasser Babet.

Je posai l’enfant sur le lit. Il poussait des cris continus qui nous semblaient être une musique céleste. Je m’assis sur le bord de la couche, mon oncle se mit dans un grand fauteuil, et Babet, lasse et sereine, couverte jusqu’au menton, resta les paupières levées, les yeux souriants.

La fenêtre était ouverte toute grande. L’odeur du raisin entrait avec les tiédeurs de la douce après-midi d’automne. On entendait les piétinements des vendangeurs, les secousses des charrettes, les claquements des fouets ; par moments, montait la chanson aiguë d’une servante qui traversait la cour. Tous ces bruits s’adoucissaient dans la sérénité de cette chambre, encore émue des sanglots de Babet. Et la fenêtre taillait en plein ciel et en pleine campagne une large bande de paysage. Nous apercevions l’allée de chênes dans sa longueur ; puis la Durance, comme un ruban de satin blanc, passait au milieu de l’or et de la pour-