Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/292

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que le garçon n’ait une vocation irrésistible… En faire un monsieur, cela est grave…

Babet, anxieuse, me regardait. La chère femme n’avait pas un brin d’orgueil pour elle ; mais, comme toutes les mères, elle eût voulu être humble et fière devant son fils. J’aurais juré qu’elle le voyait déjà notaire ou médecin. Je l’embrassai, je lui dis doucement :

— Je désire que l’enfant habite notre chère vallée. Un jour, il trouvera, au bord de la Durance, une Babet de seize ans, à laquelle il offrira à boire. Souviens-toi, mon amie… La campagne nous a donné la paix : notre fils sera paysan comme nous, heureux comme nous.

Babet, tout émue, m’embrassa à son tour. Elle regarda par la fenêtre les feuillages et la rivière, les prairies et le ciel ; puis, en souriant :

— Tu as raison, Jean, me dit-elle. Ce pays a été bon pour nous, il le sera pour notre petit Jacques… Oncle Lazare, vous serez le parrain d’un fermier.

L’oncle Lazare approuva de la tête, d’un signe las et affectueux. Depuis un instant, je l’examinais, et je voyais ses yeux se voiler, ses lèvres pâlir. Renversé dans le fauteuil, en face de la fenêtre ouverte, il avait posé ses mains blanches sur ses