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Je me mis à rire.

— C’est, répondis-je, la petite Marie, que sa mère vient d’habiller.

La chère fillette allait avoir dix ans, et, depuis dix ans, elle était la joie de la ferme. Venue la dernière, à une époque où nous n’espérions plus avoir d’enfant, elle était doublement aimée. Sa santé chancelante nous la rendait chère. On la traitait en demoiselle ; sa mère voulait absolument en faire une dame, et je n’avais pas le courage de vouloir autre chose, tant la petite Marie était mignonne, dans ses belles jupes de soie ornées de rubans.

Marie n’était pas descendue de mes épaules.

— Maman, maman, criait-elle, viens donc voir ; je joue au cheval.

Babet, qui entrait, eut un sourire. Ah ! ma pauvre Babet, comme nous étions vieux ! Je me souviens que nous grelottions de lassitude, ce jour-là, en nous regardant d’un air triste, lorsque nous étions seuls. Nos enfants nous rendaient notre jeunesse.

Le déjeuner fut silencieux. Nous avions été obligés d’allumer la lampe. Les clartés rousses qui traînaient dans la pièce, étaient d’une tristesse à mourir.