Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/45

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s’étendait, mer sans fin aux vagues de verdure. Le silence frissonnant, l’ombre vivante qui tombait des grands arbres nous montaient à la tête, nous grisaient de toute la sève ardente du printemps. On redevient enfant, dans le mystère des taillis.

— Oh ! des fraises, des fraises ! cria Ninon en sautant un fossé comme une chèvre échappée, et en fouillant les broussailles.


III


Des fraises, hélas ! non, mais des fraisiers, toute une nappe de fraisiers qui s’étalait sous les ronces.

Ninon ne songeait plus aux bêtes dont elle avait une peur horrible. Elle promenait gaillardement les mains au milieu des herbes, soulevant chaque feuille, désespérée de ne pas rencontrer le moindre fruit.

— On nous a devancés, dit-elle avec une moue de dépit… Oh ! Dis, cherchons bien, il y en a sans doute encore.

Et nous nous mîmes à chercher avec une conscience exemplaire. Le corps plié, le cou tendu,