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me produisit cette menace. Elle me donna un courage énorme. « Bast ! me disais-je, ils peuvent bien me donner deux mille vers ; du diable si je trahis Michu ! » J’attendis avec une impatience fébrile l’heure du dîner. La révolte devait éclater au réfectoire.


II


Le grand Michu était du Var. Son père, un paysan qui possédait quelques bouts de terre, avait fait le coup de feu en 51, lors de l’insurrection provoquée par le coup d’État. Laissé pour mort dans la plaine d’Uchâne, il avait réussi à se cacher. Quand il reparut, on ne l’inquiéta pas. Seulement, les autorités du pays, les notables, les gros et les petits rentiers ne l’appelèrent plus que ce brigand de Michu.

Ce brigand, cet honnête homme illettré, envoya son fils au collège d’A… Sans doute il le voulait savant pour le triomphe de la cause qu’il n’avait pu défendre, lui, que les armes à la main. Nous savions vaguement cette histoire, au collège, ce qui nous faisait regarder notre camarade comme un personnage très-redoutable.

Le grand Michu était,