Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/67

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vous n’écoutez pas ma voix qui est celle de Dieu lui-même, je vous le dis en vérité, vous entendrez un jour vos os craquer d’angoisse, vous sentirez votre chair se fendre sur des charbons ardents, et alors c’est en vain que vous crierez : « Pitié, Seigneur, pitié, je me repens ! » Dieu sera sans miséricorde, et du pied vous rejettera dans l’abîme !

À ce dernier trait, il y eut un frisson dans l’auditoire. La petite baronne, qu’endormait décidément l’air chaud qui courait dans ses jupes, sourit vaguement. Elle connaissait beaucoup le vicaire, la petite baronne. La veille, il avait dîné chez elle. Il adorait le pâté de saumon truffé, et le pomard était son vin favori. C’était, certes, un bel homme, trente-cinq à quarante ans, brun, le visage si rond et si rose, qu’on eût volontiers pris ce visage de prêtre pour la face réjouie d’une servante de ferme. Avec cela, homme du monde, belle fourchette, langue bien pendue. Les femmes l’adoraient, la petite baronne en raffolait. Il lui disait d’une voix si adorablement sucrée : « Ah ! madame, avec une telle toilette, vous damneriez un saint. »

Et il ne se damnait pas, le cher homme. Il courait débiter à la comtesse, à la marquise, à ses autres pénitentes, la même galanterie, ce qui en faisait l’enfant gâté de ces dames.