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son dos et de sa poitrine qui ne soit connu de la Madeleine à Saint-Thomas-d’Aquin. Les épaules de la marquise, largement étalées, sont le blason voluptueux du règne.


III


Certes, il est inutile de décrire les épaules de la marquise. Elles sont populaires comme le pont Neuf. Elles ont fait pendant dix-huit ans partie des spectacles publics. On n’a besoin que d’en apercevoir le moindre bout, dans un salon, au théâtre ou ailleurs, pour s’écrier : « Tiens ! la marquise ! je reconnais le signe noir de son épaule gauche ! »

D’ailleurs, ce sont de fort belles épaules, blanches, grasses, provoquantes. Les regards d’un gouvernement ont passé sur elles en leur donnant plus de finesse, comme ces dalles que les pieds de la foule polissent à la longue.

Si j’étais le mari ou l’amant, j’aimerais mieux aller baiser le bouton de cristal du cabinet d’un ministre, usé par la main des solliciteurs, que d’effleurer des lèvres ces épaules sur lesquelles a passé le souffle chaud du tout Paris galant. Lorsqu’on songe aux mille désirs qui ont frissonné