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garde-robe ; il en garnit le fond de journaux, il y plia délicatement ses vêtements noirs.

Parfois, la nuit, lorsqu’un cauchemar m’éveillait en sursaut, je jetai un regard effaré sur le vieux coffre, qui s’allongeait contre le mur, en forme de bière. Il me semblait en voir sortir le chapeau, le manteau noir, la cravate blanche.

Le chapeau roulait autour de mon lit, ronflant et sautant par petits bonds nerveux; le manteau s’élargissait, et, agitant ses pans comme des grandes ailes noires, volant dans la chambre, ample et silencieux ; la cravate blanche s’allongeait, s’allongeait, puis se mettait à ramper doucement vers moi, la tête levée, la queue frétillante.

J’ouvrais les yeux démesurément, j’apercevais le vieux coffre immobile et sombre dans son coin.


V


Je vivais dans le rêve, à cette époque, rêve d’amour, rêve de tristesse aussi. Je me plaisais à mon cauchemar ; j’aimais mon voisin Jacques, parce qu’il vivait avec les morts, et qu’il m’apportait les âcres senteurs des cimetières. Il m’avait fait