Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/93

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fait pour les joies âpres de la liberté. Je connais votre demeure, je vais vous mettre à votre porte.

Il disait cela simplement, ce digne matou. Lorsque nous fûmes arrivés :

— Adieu, me dit-il, sans témoigner la moindre émotion.

— Non, m’écriai-je, nous ne nous quitterons pas ainsi. Vous allez venir avec moi. Nous partagerons le même lit et la même viande. Ma maîtresse est une brave femme…

Il ne me laissa pas achever.

— Taisez-vous, dit-il brusquement, vous êtes un sot. Je mourrais dans vos tiédeurs molles. Votre vie plantureuse est bonne pour les chats bâtards. Les chats libres n’achèteront jamais au prix d’une prison votre mou et votre coussin de plume… Adieu.

Et il remonta sur ses toits. Je vis sa grande silhouette maigre frissonner d’aise aux caresses du soleil levant.

Quand je rentrai, votre tante prit le martinet et m’administra une correction que je reçus avec une joie profonde. Je goûtai largement la volupté d’avoir chaud et d’être battu. Pendant qu’elle me frappait, je songeais avec délices à la viande qu’elle allait me donner ensuite.