Page:Zola - Travail.djvu/119

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ficherait le camp. Même les vains efforts tentés pour consolider la vieille patraque, les réformes timides qu’on tentait, les lois inutiles qu’on votait, sans oser seulement appliquer les anciennes, les crises furieuses d’ambitions et de personnes, les rages et les affolements des partis, ne faisaient qu’aggraver, que hâter l’agonie suprême. Tous les matins, un tel régime s’étonnait de n’être pas par terre, en se disant que ce serait sûrement pour le lendemain. Et lui, qui n’était point un imbécile, s’arrangeait de façon à durer autant que durerait le régime.

Républicain sage, comme il fallait l’être, il représentait le gouvernement tout juste assez pour garder sa place, ne faisait que le nécessaire, voulant surtout vivre en paix avec ses administrés. Et que tout croulât, il tâcherait de ne pas être sous les décombres !

« Vous voyez bien, conclut-il, que cette malheureuse grève, dont nous étions si inquiets, s’est terminée le mieux du monde. »

Gourier, le maire, n’avait pas la philosophie ironique du sous-préfet, et, bien qu’ils fussent toujours d’accord, ce qui leur facilitait la bonne administration de la ville, il protesta.

« Permettez, permettez, mon cher ami, trop de concessions nous mènerait loin… Je connais les ouvriers, je les aime, je suis un vieux républicain, un vieux démocrate de l’avant-veille. Mais, si j’accorde aux travailleurs le droit d’améliorer leur sort, jamais je n’accepterai les théories subversives, ces idées des collectivistes qui seraient la fin de toute société civilisée. »

Et, dans sa grosse voix tremblante, sonnait la peur qu’il avait eue, la férocité du bourgeois menacé, ce besoin de répression inné, qui s’était traduit un moment par son désir de faire marcher la troupe, pour que les grévistes fussent forcés de reprendre le travail, à coups de fusil.