Page:Zola - Travail.djvu/159

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voulu les mettre moi-même en œuvre, battre monnaie avec, car le jour où je les aurai trouvés, je les donnerai à tous, pour la fortune et le bonheur de tous… Allons, c’est chose entendue, du moment que notre ami estime mon projet raisonnable, nous étudierons demain la cession ensemble, et j’en finirai. »

Puis, comme Luc ne répondait plus, dans sa répugnance, désireux de ne pas s’engager davantage, il s’excita encore, il lui proposa de monter un instant, voulant savoir par lui-même comment le haut fourneau s’était comporté, pendant ses trois jours d’absence.

« Je ne suis pas sans inquiétude. Depuis une semaine que Laroche est mort, je ne l’ai pas remplacé, j’ai laissé mon maître fondeur, Morfain, diriger le travail. C’est un homme admirable, il est né là haut, il a grandi dans le feu. Mais, tout de même, la responsabilité est lourde, pour un simple ouvrier comme lui. »

Saisie de crainte, Sœurette voulut intervenir, suppliante.

« Oh ! Martial, toi qui rentres de voyage, qui es fatigué, tu ne vas pas sortir ainsi, à dix heures du soir ? »

Alors, il redevint très doux, il l’embrassa.

« Laisse donc, petite sœur, ne te tourmente pas. Tu sais bien que je n’en fais jamais plus que je ne peux. Je t’assure que je dormirai mieux, quand je me serai contenté… La nuit n’est pas froide, et je vais prendre ma fourrure. »

Elle-même lui noua un gros foulard autour du cou, et elle l’accompagna jusqu’au bas du perron, pour s’assurer que la soirée était en effet délicieuse, un bon sommeil des arbres, des eaux et des champs, sous un ciel de velours sombre, criblé d’étoiles.

« Monsieur Froment, vous savez que je vous le confie. Ne le laissez pas trop s’attarder. »

Les deux hommes prirent tout de suite, derrière la maison l’étroit