Page:Zola - Travail.djvu/184

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la maison commune. Au début, pour sortir de l’état de lutte actuel, rien n’était plus simple, on se contentait de faire appel à toutes les bonnes volontés, à tous ceux qui souffraient de tant de douloureuse injustice. On les associait, on créait une vaste association du capital, du travail et du talent. On disait à ceux qui avaient aujourd’hui l’argent, à ceux qui avaient les bras, à ceux qui avaient le cerveau, de s’entendre, de s’unir pour mettre leur fortune en commun. Ils produiraient avec une énergie, avec une abondance centuplées, ils s’enrichiraient des bénéfices qu’ils se partageraient le plus équitablement possible, jusqu’au jour où le capital, le travail, le talent ne feraient plus qu’un, seraient le patrimoine commun d’une libre société de frères, où tout serait enfin à tous, dans l’harmonie réalisée.

Et, à chaque page du petit livre, éclatait la splendeur tendre de ce mot de Solidarité, qui en était le titre. Des phrases luisaient comme des phares. La raison de l’homme était infaillible, la vérité était absolue, une vérité que la science a démontrée devenait irrévocable, éternelle. Le travail devait être une fête. Le bonheur de chacun ne serait un jour que par le bonheur des autres, il n’y aurait plus ni envie, ni haine, lorsqu’il y aurait place sur cette terre pour le bonheur de tous. Dans la machine sociale, les rouages intermédiaires étaient à détruire, comme inutiles, mangeant de la force ; et le commerce se trouvait ainsi condamné, le consommateur n’avait affaire qu’au producteur. D’un coup de faux, tous les parasites seraient rasés, les innombrables végétations qui vivent de la corruption sociale, de l’état de guerre permanent où agonisent les hommes. Plus d’armée, plus de tribunaux, plus de prisons. Et, par-dessus tout, dans cette grande aurore enfin levée, la justice flambait comme un soleil, chassant la misère, donnant à chaque être qui naît le droit à la vie, au pain de chaque jour,