Page:Zola - Travail.djvu/223

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emmenait à l’usine nouvelle son beau-frère Ragu, qui lui-même décidait Bourron à le suivre. Tous trois travaillaient donc là  ; et s’étaient eux que Fauchard désirait questionner, incapable de prendre un parti, dans l’hébétement où l’avaient jeté quinze années déjà d’arrachage, toujours le même geste, le même effort, au milieu du même incendie. Sa déformation, sa paresse d’esprit était devenue telle, que depuis de longs mois il se proposait de faire cette visite, sans trouver la force de volonté nécessaire. Et, dès son entrée à la Crêcherie, il s’étonna.

Au sortir de l’Abîme noir, sale, poussiéreux, dont les lourdes halles délabrées s’éclairaient à peine par d’étroits vitrages, c’était un premier émerveillement que les halles légères de la Crêcherie, de fer et de briques, dans lesquelles de larges baies vitrées laissaient pénétrer à flots l’air et le soleil. Toutes étaient pavées en dalles de ciment, ce qui diminuait beaucoup les poussières, si nuisibles.

L’eau coulait partout en abondance, permettait de continuels lavages. Et, comme il n’y avait presque plus de fumées, grâce aux cheminées nouvelles qui brûlaient tout, une grande propreté régnait, d’un entretien facile. L’antre infernal du Cyclope avait fait place à de vastes ateliers clairs, luisants et gais, où la besogne semblait perdre de sa rudesse. Sans doute, l’emploi de l’électricité était encore restreint, le bruit des machines restait assourdissant, l’effort humain ne se trouvait guère soulagé. C’était à peine si, dans les fours à puddler et dans les fours à creusets, des essais de moyens mécaniques, jusque-là défectueux, faisaient espérer que les bras de l’homme, un jour, seraient libérés des travaux trop durs. On n’en était qu’aux tâtonnements, en marche vers l’avenir. Mais quelle amélioration déjà, cette simple propreté, cet air et ce soleil qui baignaient les grandes salles légères, cette gaieté du travail moins lourd aux épaules  ! Et comme la comparaison s’imposait saisissante,