Page:Zola - Travail.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme une fête, il y eut une réunion chez lui, sous le prétexte innocent d’un goûter offert par sa fille et son fils, Eulalie et Auguste, à leurs camarades Honorine Caffiaux, Évariste Mitaine et Julienne Dacheux. Tout ce petit monde grandissait, Auguste avait seize ans, et Eulalie, neuf, tandis que les quatorze ans d’Évariste le rendaient sérieux déjà, et que les dix-neuf d’Honorine, bonne à marier, la faisaient maternelle pour les huit ans de Julienne, la plus jeune de la bande. D’ailleurs, ils s’installèrent tout de suite dans l’étroit jardin, et jouèrent, et rirent comme des fous, la conscience claire et gaie, ignorante des haines et des colères de leurs parents.

«  Enfin, nous le tenons  ! cria Laboque. M. Gourier m’a bien dit que, si nous allions jusqu’au bout, nous ruinerions l’usine. Admettons que le tribunal m’accorde dix mille francs, vous êtes une centaine qui pouvez lui faire le même procès, il devra donc sortir de sa poche un joli petit million. Et ce n’est pas tout, il lui faudra rendre le torrent et démolir les travaux qu’il a exécutés, ce qui le privera de cette belle eau fraîche dont il est si glorieux… Ah  ! mes amis, la bonne affaire  !   »

Tous s’excitaient triomphalement à l’idée de ruiner l’usine, d’abattre surtout ce Luc, cet insensé qui voulait détruire le commerce, l’héritage, l’argent, les fondements les plus vénérables des sociétés humaines. Seul, Caffiaux réfléchissait.

«  J’aurais préféré, finit-il par dire, que la ville fît le procès. Quand il faut se battre, ces bourgeois aiment toujours mieux que ce soient les autres. Où sont-ils donc les cent qui assigneront la Crêcherie  ?   »

Dacheux éclata.

«  Ah  ! ce que je m’en serais mis volontiers, moi  ! si ma maison ne se trouvait pas de l’autre côté de la rue  ! Et encore, je vais voir, parce que le Clouque passe au bout