Page:Zola - Travail.djvu/353

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pâlissait, plus désirable, au milieu du flot déroulé de ses cheveux.

Le mari se tourna, mit un baiser sur une mèche folle, près de l’oreille. Puis, comme la femme ne bougeait pas, il crut qu’elle boudait, il voulut faire l’aimable, montrer qu’il comprenait les faiblesses du luxe.

«  Mon Dieu  ! ces dix mille francs, je les lui donnerai encore, s’il a une telle envie d’une automobile. Ce que j’en dis, c’est par prudence… La chasse a été fort belle, aujourd’hui.  »

Elle ne répondait toujours pas. De sa petite bouche rouge légèrement entrouverte, laissant voir des dents éclatantes et dures, sortait un souffle chaud, régulier  ; tandis que les seins soulevaient leur pointe rose, en une faible palpitation, comme oppressés d’une longue fatigue d’amour. Elle dormait, abattue, demi-nue, ayant rejeté un coin de la couverture, cuvant l’ivresse de ses plaisirs de la journée.

«  Fernande  ! Fernande  !   » appela doucement Delaveau, en l’effleurant d’un nouveau baiser.

Et, quand il fut convaincu qu’elle était endormie, il se résigna, renonça.

«  Alors, bonsoir, Fernande  !   »

Après avoir éteint la lampe électrique, il se remit sur le dos. Mais lui ne put trouver le sommeil, ses yeux restèrent grands ouverts dans les ténèbres de la chambre. Et, fiévreux, pris d’insomnie près de cette femme si tiède et si odorante, il retomba à ses craintes aux anxiétés que lui causait la crise traversée par l’usine. En cet état douloureux de veille, les difficultés s’aggravaient, il n’avait jamais encore envisagé l’avenir avec une pareille lucidité, sous des points de vue si sombres. Nettement, la cause de la ruine lui apparaissait, cette démence à jouir, ce besoin inepte et maladif de manger l’argent à peine gagné. Il y avait certainement quelque part un gouffre où la fortune