Page:Zola - Travail.djvu/360

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joie immense, elle aurait voulu courir lui annoncer la grande, la bonne nouvelle, certaine qu’il partagerait son ravissement. Puis, des inquiétudes lui étaient venues, elle avait pensé qu’elle devait attendre, pour ne pas précipiter quelque catastrophe, dans les heures si difficiles où se trouvait la Crêcherie.

Et un hasard seul finit par apprendre à Luc la venue de ce bien-aimé enfant dont il était le père. Un jour, comme il accompagnait Bonnaire chez lui, en causant, il y tomba sur des voisines, auxquelles la Toupe apprenait que sa belle-sœur était enceinte, ce qu’elle accompagnait de commentaires empoisonnés, laissant entendre d’abominables choses. Il en resta saisi, le cœur battant à grands coups.

Parfois, Josine revenait à la Crêcherie, pour chercher Nanet, qui s’y oubliait des journées entières  ; et, justement, ce jour-là, elle parut au moment où il était question de sa grossesse, elle dut répondre aux questions. Oui, c’était de six mois bientôt et cela se voyait déjà beaucoup. Mais elle avait aperçu Luc, elle le sentait si frémissant, si éperdu, dans son silence, qu’elle était torturée de ne pouvoir parler, de ne savoir comment lui crier ce dont elle avait tant de bonheur. Elle se désespérait du doute affreux où elle le devinait, elle savait bien que d’un seul mot elle l’aurait calmé, enchanté. Ce mot montait de son cœur, l’étouffait  : «  Il est de toi  !   » Et, délicieusement, elle trouva le moyen de le lui dire, en un court répit, où les commères, cessant de la regarder reprenaient leurs bavardages. D’abord, elle porta les deux mains à son ventre de femme féconde  ; puis, d’un geste de remerciement et d’amour, elle les mit sur ses lèvres, elle lui envoya la certitude de sa paternité, dans un baiser discret  ; et il comprit très bien, il fut envahi de l’immense joie qu’elle avait eue à être fécondée par lui, et qu’elle lui apportait.

Ce jour-là, Luc et Josine ne purent échanger une parole, il y eut seulement entre eux ce geste adorable, ce baiser qui