Page:Zola - Travail.djvu/366

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La mère, enfiévrée par le besoin de savoir, se fit soudain très douce. Elle était en proie à une telle émotion, qu’elle en oubliait de sévir, les escapades de Nise avec Nanet perdant de leur gravité, devant le fait considérable dont elle désirait être certaine.

«  Écoute, ma petite fille, c’est très laid de ne pas dire la vérité. L’autre fois, quand je t’ai privée de dessert, c’est que tu as voulu me soutenir que vous aviez tous les trois passé par-dessus le tour, pour aller chercher une balle… Aujourd’hui, si tu me dis la vérité, je te promets de ne pas te punir… Voyons, sois franche, c’est Nanet  ?   »

Nise, bonne petite fille au fond, répondit tout de suite  :

«  Oui, maman, c’est Nanet.

— Et il t’a dit que le vrai mari de Josine était M. Luc  ?

— Et qu’en sait-il, pourquoi dit-il que M. Luc est le vrai mari de Josine  ?   »

Alors, Nise se troubla, son innocence de fillette lui fit de nouveau baisser le nez dans sa tasse.

«  Ah  ! pour des choses, pour des choses… Enfin, parce qu’il le sait bien, lui  !   »

Malgré son désir d’être renseignée, Fernande se sentit honteuse des questions qu’elle posait à son enfant. Elle n’insista pas, elle s’efforça de rattraper la curiosité brutale qu’elle avait laissé voir.

«  Nanet ne sait rien du tout, il dit des bêtises, et toi tu es une sotte de les répéter. Tu vas me faire le plaisir de ne plus jamais chanter des bêtises pareilles, si tu tiens à manger du dessert.  »

Et le déjeuner s’acheva dans le silence du grand froid qu’il faisait dehors, sans que d’autres paroles fussent échangées entre la mère et la fille, celle-là possédée par le secret qu’elle venait d’apprendre, celle-ci très heureuse d’en être quitte à si bon compte.