Page:Zola - Travail.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Quelle misère  ! quelle misère  ! reprit Mme Laboque de sa voix dolente, le monde se met à l’envers pour sûr, c’est la fin du monde  !   »

Justement, la belle Mme Mitaine, qui entrait, entendit ces paroles.

«  Comment, la fin du monde  ! dit-elle gaiement, voilà encore deux de nos voisines qui viennent d’accoucher de deux gros garçons… Et vos enfants, et Auguste et Eulalie, comment vont-ils  ? Ils ne sont donc pas là  ?   »

— Non, ils n’étaient pas là, ils n’étaient jamais là. Auguste, âgé de vingt-deux ans bientôt, s’était pris de passion pour les arts mécaniques, ayant en horreur le commerce  ; tandis qu’Eulalie, très sage à quinze ans, déjà petite femme de ménage, vivait le plus souvent chez un oncle, fermier à Lignerolles, près des Combettes.

«  Oh  ! les enfants  ! se plaignit encore Mme Laboque, si l’on compte sur les enfants  !

— Tous des ingrats  ! déclara Dacheux, dans l’indignation où il était de ne pas se retrouver en sa fille Julienne, grosse et belle demoiselle attendrie, qui, malgré ses quatorze ans sonnés, jouait encore avec les petits malheureux, lâchés sur le pavé de la rue de Brias. Quand on compte sur les enfants, on est sûr de mourir de misère et de chagrin  !

— Mais je compte sur mon Évariste, moi  ! reprit la boulangère. Le voilà qui va sur ses vingt ans, et ce n’est pas parce qu’il a refusé d’apprendre l’état de son père, que nous nous fâcherons. Ces petits ça pousse naturellement avec des idées différentes des nôtres, puisque ça naît pour des époques où nous ne serons plus là. Moi je ne lui demande, à mon Évariste, que de m’aimer bien, et c’est ce qu’il fait.  »

Elle exposa ensuite posément son cas à Dacheux. Si elle était venue, sur sa demande, c’était pour qu’il fût bien entendu que chaque commerçant de Beauclair devait