Page:Zola - Travail.djvu/42

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acharné, déchaînant un bruit d’orage, aurait fini par ameuter Beauclair entier. Maintenant, il triomphait, il ramenait le coupable sur le lieu de son vol, pour le confondre.

« C’est un enfant qui a volé un pain », répétaient les voix.

Mme Mitaine, étonnée d’un tel vacarme, était venue, elle aussi, sur le seuil de sa boutique. Elle resta toute saisie, lorsque chez gendarme, s’adressant à elle, dit :

« Tenez, madame, c’est ce vaurien qui vient de vous voler ce gros pain-là. »

Et, secouant Nanet, il voulut le terrifier.

« Tu sais que tu vas aller en prison… Dis, pourquoi as-tu volé un… pain ? »

Mais le petit ne se troublait guère. Il répondit clairement, de sa voix de flûte :

« J’ai pas mangé depuis hier, ma sœur non plus. »

Cependant Mme Mitaine s’était remise. Elle regardait le gamin de ses beaux yeux, si pleins d’une indulgente bonté. Pauvre petit bougre ! et sa sœur, où l’avait-il donc laissée ? Un instant, la boulangère hésita, tandis qu’une rougeur légère montait à ses joues. Puis, avec son rire aimable de belle femme que toute sa clientèle courtisait, elle dit d’un air gai et paisible :

« Vous faites erreur, gendarme, cet enfant ne m’a pas volé un pain. C’est moi qui le lui ai donné. »

Béant, le gendarme se tenait devant elle, sans lâcher Nanet. Dix personnes avaient vu celui-ci prendre le pain à l’étalage et se sauver. Et, tout d’un coup, le boucher Dacheux, qui avait traversé la rue, intervint, avec une passion furieuse.

« Mais je l’ai vu, moi !… Justement, je regardais. Il s’est jeté sur le plus gros, puis il a galopé… Aussi vrai qu’on m’a volé cent sous avant-hier, et qu’on a volé aujourd’hui encore chez Laboque et chez Caffiaux, cette