Page:Zola - Travail.djvu/474

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Il la voyait trembler, livrant le secret si longtemps ignoré elle-même, qui lui échappait en cette minute solennelle.

«  Mon ami, mon ami  ! quelles forces j’aurais eues pour le bien, de quelle aide je me serais sentie capable, au bras d’un juste, d’un héros, dont j’aurais fait mon dieu  ! Mais, s’il est irrévocablement trop tard, voulez-vous tout de même de moi, comme d’une amie, d’une sœur, qui pourra vous être de quelque secours  ?   »

Et il comprit, c’était le cas si doux, si triste de Sœurette qui recommençait. Elle l’avait aimé sans le dire, sans même se l’avouer, en honnête femme avide de tendresse, mettant en lui son rêve d’amour heureux, la consolation des cruautés de son ménage. Lui-même ne l’avait-il pas aimée, aux jours lointains de leurs premières rencontres, chez les pauvres gens où ils s’étaient connus  ? Cela était délicieusement discret, un amour de songe dont il aurait craint de l’offenser, qui gardait en son cœur le parfum des fleurs du souvenir, retrouvées entre deux pages. Et, maintenant que Josine était l’élue, maintenant que ces choses étaient mortes, sans résurrection possible, elle se donnait comme Sœurette, en compagne fraternelle, en simple amie dévouée, désireuse d’être de sa mission, de son œuvre.

«  Si je veux de vous  ! cria-t-il touché aux larmes, ah  ! oui, il n’y a jamais assez d’affection, de bonne volonté tendre et active  ! La besogne est si grande, vous y pourrez dépenser votre cœur, sans compter… Venez avec nous, mon amie, et vous ne me quitterez plus, vous serez une part de ma raison et de mon amour.  »

Elle fut transportée, elle se jeta dans ses bras, ils s’embrassèrent. Le lien se nouait indissoluble, un mariage de sentiment d’une pureté exquise, où il ne restait que la commune passion des pauvres et des souffrants, que le désir inextinguible d’exterminer la misère du monde. Il avait une épouse adorée, féconde, qui lui donnait les enfants