Page:Zola - Travail.djvu/480

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Paul et Antoinette, Nise et Nanet, Louise et Lucien, dans la complicité souriante de la bonne nature, l’éternelle mère.

«  Vous ne vous souvenez pas  ?   » demanda Luc gaiement.

Le jeune ménage, qui riait avec lui, avoua que le souvenir était un peu lointain.

«  Si j’avais quatre ans, dit Antoinette très amusée, ma mémoire ne devait pas être très solide.  »

Mais Paul faisait un effort, regardait fixement dans le passé.

«  Moi, j’en avais sept… Attendez donc  ! il me semble revoir de vagues ombres  : le petit bateau qu’on ramenait avec une perche, quand les roues ne tournaient plus  ; et puis, une des fillettes qui a failli tomber dans la mare  ; et puis, les gamins, les bandits qui se sont sauvés, en voyant venir du monde.

— C’est bien cela  ! c’est bien cela  ! s’écria Luc. Ah  ! vous vous souvenez  ! … Et moi, je me souviens d’avoir eu, ce jour-là, le frisson d’espoir de l’avenir, car c’était bien un peu de la réconciliation future. La divine enfance travaillait ici, dans sa fraternité naïve, à un nouveau pas vers la justice et la paix… Tenez  ! ce que vous allez réaliser de bonheur nouveau, ce petit monsieur est chargé de l’élargir encore.  »

Il désignait le nouveau-né, le petit Ludovic, sur les bras de Suzanne, si heureuse d’être grand-mère. Elle dit à son tour, plaisamment  :

«  Pour l’instant, il est sage, parce qu’il dort… Plus tard, mon cher Luc, nous le marierons à une de vos petites-filles, et de cette manière ce sera la réconciliation complète, tous les combattants d’hier unis et apaisés dans leur descendance… Voulez-vous  ? dès aujourd’hui, nous faisons les fiançailles.

— Certes, si je veux  ! nos arrière-petits-enfants achèveront notre œuvre, la main dans la main.  »

Paul et Antoinette, émus, s’étaient embrassés, tandis que