Page:Zola - Travail.djvu/527

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


«  Père, cette fois-ci, c’est bien le repos pour toi, et tu as aussi ta chambre chez nous. Tu te partageras, tu te donneras un peu à chacun de tes deux enfants.  »

Mais le vieux maître fondeur ne répondait point. Un soupir finit par soulever sa poitrine d’un grondement douloureux, et il dit  :

«  C’est ça, je descendrai, j’irai voir… Allez-vous-en.  »

Pendant quinze jours encore, on ne put décider Morfain à quitter le haut fourneau. Il en suivait le lent refroidissement, comme une agonie. Il restait là le dernier, il le tâtait chaque soir, pour s’assurer s’il n’était pas tout à fait mort. Et, tant qu’il sentit en lui un peu de chaleur, il s’entêta, le veilla ainsi qu’un ami dont on n’abandonne les restes qu’au néant. Mais les démolisseurs arrivèrent, et on le vit un soir, dans un arrachement suprême, quitter son trou de rochers, descendre à la Crêcherie, pour se rendre directement, de son pas encore solide de grand vieillard vaincu, au vaste hangar vitré, sous lequel fonctionnait la batterie de fours électriques.

Justement, Jordan et Luc s’y trouvaient, avec Petit-Da, chargé par eux de diriger la fonte, aidé de son fils Raymond, déjà bon ouvrier électricien. Le fonctionnement se réglait encore de jour en jour et c’était pourquoi Jordan ne quittait guère le hangar, dans le désir de rendre parfaite la méthode nouvelle, qui lui avait demandé tant d’années de recherches et d’expériences.

«  Ah  ! mon vieux Morfain  ! cria-t-il, joyeux. Vous voilà donc raisonnables  !   »

Impassible, la face couleur de vieille fonte, le héros se contenta de dire  :

«  Oui, monsieur Jordan, j’ai voulu voir votre machine.  »

Luc, un peu inquiet, l’examina, car il l’avait fait surveiller, ayant su qu’on l’avait surpris, penché sur le gueulard du haut fourneau, encore plein de braise, de