Page:Zola - Travail.djvu/540

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et d’ailleurs son ambition n’était pas de leur donner beaucoup de science, elle voulait simplement leur rendre le chant naturel comme aux oiseaux des bois, comme à toutes les créatures qui vivent libres et gaies. Et elle avait obtenu des résultats merveilleux, sa classe était d’une joie sonnante de volière, toute la jeunesse qui sortait de ses mains emplissait ensuite les autres classes, les ateliers, la ville entière, d’une perpétuelle et gazouillante allégresse.

«  Mais ce n’est pas votre cours aujourd’hui, lui fit remarquer Luc.

— Non, je veux seulement profiter de la récréation pour faire répéter un chœur à mes petits anges. Et puis, nous avons des décisions à prendre, avec Sœurette et Josine.  »

Toutes trois étaient devenues de grandes amies, des inséparables. Sœurette avait gardé la direction de la crèche centrale, où elle veillait sur le tout petit monde, les enfants au berceau et ceux qui marchaient à peine. Quant à Josine, elle dirigeait l’atelier de couture et de ménage, elle faisait, de toutes les filles qui passaient par les écoles, de bonnes épouses, de bonnes mères, capables de conduire une maison. En outre, elles formaient, à elles trois, une sorte de conseil, chargé de discuter les questions graves qui intéressaient la femme, dans la Cité nouvelle.

Luc et Suzanne avaient suivi l’avenue, et ils débouclèrent sur la vaste place, où se trouvait la maison commune, entourée de pelouses, toutes verdoyantes, fleuries d’arbustes et de corbeilles. Ce n’était plus la très modeste bâtisse des premières années, un véritable palais s’était construit, avec une large façade polychrome, dont les grès décorés et les faïences peintes se mariaient au fer apparent, pour la gaieté des yeux. De vastes salles de réunion, de jeux et de spectacles, permettaient au peuple